Depuis une semaine, des centaines de manifestants, principalement étudiants, occupent le Yuan législatif, le Parlement taïwanais, à Taipei. Rejoints à l'extérieur par des milliers d'opposants, intellectuels, avocats ou artistes, tous protestent pacifiquement contre ce qu'ils appellent «la vente de Taïwan» à la Chine.
除了攻占立院的抗議者, 多半由學生組成; 立院外也有各種團體紛紛靜坐抗議來呼應立院內的同學, 包括學者律師藝文界人士, 抗議他們稱之為賣台的行為
Ces indignés taïwanais reprochent au président Ma Ying-jeou (du parti nationaliste Kuomintang) d'avoir tenté de faire passer en force un traité de libre-échange entre Taïwan et la Chine sans débat ni examen minutieux au Yuan législatif. L'accord commercial, qui prévoit d'ouvrir une grande partie du secteur des services taïwanais aux investisseurs chinois, pourrait remettre en cause la souveraineté de l'île.
這把火在反對馬總統試著強行通過服貿協議, 沒有事先經過立院審查,這項協議如果通過, 會廣開大門讓中國服務業投資客進來, 有影響到台灣主權的疑慮.
Divisées à la fin de la guerre civile en 1949, la Chine et Taïwan tentent depuis plusieurs années de normaliser leurs relations. De facto indépendant depuis soixante-cinq ans, Taïwan a instauré à la fin des années 1980 l'une des démocraties les plus vivantes d'Asie. De son côté, Pékin considère toujours Taïwan comme une province rebelle et n'a pas renoncé à une unification, par la force si nécessaire. Mais les relations entre les deux pays se sont apaisées depuis l'élection en 2008 du président taïwanais Ma Ying-jeou, favorable à des liens avec la Chine. Le président taïwanais, réélu en 2012 pour un deuxième et dernier mandat, affirme que ce pacte avec le principal marché d'exportation de l'île est essentiel à sa prospérité.
民國38年國民黨政府遷移來台, 自此, 中國與台灣花了好久才讓關係正常化. 北京一直把台灣當成其叛亂的一省, 從不放棄統一的想法, 必要時想以武力攻台. 兩岸關係趨於和緩自2008年馬英九上台後. 2012年開始的第二任期更加強推動與中國的關係, 並確定這樣的關係對於台灣對中國的出口決定台灣的繁榮.
«Non à l'accord commercial, défendons la démocratie!»
Cette fois, selon les opposants, le chef de l'Etat aurait franchi une ligne rouge. Ce qui provoque depuis une semaine l'ire des étudiants, à travers le passage en force au Parlement, c'est l'atteinte à la démocratie et à l'Etat de droit. Les manifestants demandent à ce que l'accord commercial sur les services, et tout autre accord ou négociations en cours avec la Chine, soient suspendus jusqu'au passage d'une loi qui examinerait de près de tels accords.
這次服貿爭議, 反對人士認為國家元首越過紅線, 以致有學生以違法方式攻占立法院. 破壞了民主與法治. 學生要求服貿與其他協定, 應該暫緩, 直到審議制度出爐為止.
La tension est montée d'un cran dimanche soir. Après le Yuan législatif la semaine dernière, des dizaines d'étudiants ont pénétré de force dans le Palais ministériel, siège du gouvernement taiwanais. A l'intérieur, ils ont alors déployé des bannières et crié «Non à l'accord commercial, défendons la démocratie!». Au même moment, aux abords, un «sit-in» de protestation était organisé. Quelques heures plus tôt, le président Ma Ying-jeou s'exprimait pour la première fois depuis le début du conflit. Sa détermination à poursuivre à marche forcée a mis le feu aux poudres.
Sur ordre du premier ministre, Jiang Yi-huah, la police est intervenue pour faire évacuer l'édifice gouvernemental. Des blessés seraient à déplorer parmi les contestataires, désarmés face aux matraques, et 32 personnes ont été interpellées. La semaine dernière, Amnesty International avait appelé les forces de l'ordre à la retenue, alors que l'île traverse sa crise démocratique la plus grave depuis la fin de la dictature il y a 25 ans.
Les yeux du monde entier braqués sur eux grâce à une retransmission télévisée en direct sur les réseaux sociaux, les étudiants retranchés dans l'enceinte délibérative du Yuan législatif n'ont, eux, toujours pas été délogés. Wang Dan, l'un des leaders du mouvement démocratique de Tiananmen en 1989, aujourd'hui en exil à Taiwan, a fait jeudi dernier une apparition au Parlement en soutien aux étudiants. Depuis juin 2013, le Parti démocrate progressiste (DPP), le principal parti d'opposition, et plusieurs groupes civils, ont demandé à ce que l'accord sino-taïwanais soit examiné en détail par le Yuan législatif, dont le Kuomintang détient la majorité des sièges.
Des critiques, à peine voilées, apparaissent également au sein même du parti au pouvoir, notamment sur la gestion de la crise. Certains cadres n'hésitent pas à prendre leurs distances. Le maire de Taipei, Hau Lung-bin, bien placé pour être le candidat nationaliste à la présidentielle de 2016, a déclaré samedi qu'il refusait d'intervenir et respectait «le droit des citoyens à se rassembler». De son côté, en disgrâce aux yeux de son parti depuis septembre 2013 pour une affaire de trafic d'influence, Wang Jin-pyng, le président du Parlement, ne s'est pas rendu vendredi à une réunion de crise au Palais présidentiel.
Des capitaux chinois dans des secteurs clés de la sécurité nationale
Face au mutisme du gouvernement, l'ancien président nationaliste Lee Teng-hui, qui a initié les réformes démocratiques au début des années 1990, a, lui, vertement critiqué Ma Ying-jeou. L'actuel locataire du Palais présidentiel bat depuis quelques mois des records d'impopularité, à moins de 10% d'opinion favorable dans les sondages. «C'est un problème très grave pour le pays et le président doit y faire face avec sérieux», a déclaré samedi l'ancien président, appelant Ma Ying-jeou à dialoguer avec les jeunes manifestants, comme lui l'avait fait lors du mouvement étudiant des Lys sauvages de mars 1990. «On ne devrait pas traiter de ‘truands' les jeunes qui prennent part au mouvement de protestation contre l'accord parce qu'ils expriment leur opinion et s'inquiètent du futur de leur pays», a poursuivi Lee Teng-hui. En hommage à leurs pairs de la génération précédente, les indignés du Parlement se réclament désormais du mouvement des Tournesols. Une fleur synonyme d'espoir mais qui rappelle aussi le soleil blanc du drapeau taïwanais, représentant la démocratie et l'équité.
Le traité commercial, rejeté dans sa forme actuelle par plus de 75% de la population taïwanaise selon un sondage du quotidien Liberty Times, découle de l'accord-cadre sino-taïwanais de coopération économique signé en 2010. Il prévoit l'ouverture aux entreprises taïwanaises de 80 secteurs des services en Chine et 64 secteurs taïwanais aux entreprises chinoises. Alors que les PME représentent 98% du tissu économique de l'île et emploient les trois quart de la main-d'œuvre, l'opposition craint que le traité ne fragilise les petites entreprises taïwanaises de service. Déjà accablée par une économie moribonde et un taux de chômage record, qui atteint 12,7% pour les 20-24 ans en janvier 2014, la jeunesse du pays entrerait alors en concurrence directe avec les migrants chinois. Ils pourraient affluer en masse si l'accord est ratifié. Pour cela, il suffirait à un candidat à l'immigration originaire du continent d'investir un peu moins de 150.000 euros pour obtenir une carte de séjour quasi permanente. Soit environ 6 fois moins que pour tout autre investisseur étranger.
Mais surtout, les opposants ne sont pas dupes. Ils craignent avant tout qu'une plus grande ingérence économique de la Chine dans les affaires intérieures taïwanaises ne serve un agenda politique. Plutôt que de tirer des missiles, dont 1500 seraient toujours pointés vers l'île, Pékin pourrait bien plus simplement utiliser son immense force de frappe économique pour achever ses rêves d'unification. Les contestataires redoutent la mainmise du régime communiste sur les secteurs sensibles des transports, de l'édition et des télécommunications, concernés par le traité. Des investissements chinois dans ces secteurs clés de la sécurité nationale pourraient faire planer un grave danger sur les libertés individuelles, auxquelles les 23 millions de Taïwanais sont aujourd'hui si attachés. Nul doute que le précédent hongkongais, dont l'afflux des capitaux du continent contribue chaque jour davantage à museler la liberté d'expression, est plus que jamais présent dans les esprits des indignés du Parlement.